🎤 Podcast "Les Talks du Luxe et du Retail" - Jonathan Siboni
- Pauline Theard
- 21 mai
- 26 min de lecture
Invité : Jonathan Siboni - Founder & CEO de Luxurynsight

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Sabine - Luxurytail
Bonjour Jonathan.
Jonathan Siboni
Bonjour.
Sabine - Luxurytail
Merci beaucoup de participer aux "Talks du Luxe et du Retail".
Est-ce que tu peux te présenter, s'il te plaît ?

Jonathan Siboni
Bien sûr. Je suis Jonathan Siboni. Je suis le dirigeant et fondateur de Luxurynsight, une société de data intelligence dans les industries du Luxe, mode et beauté.
On édite des logiciels qui aident les Maisons et les groupes à mieux piloter dans certain environnement incertain.
Sabine - Luxurytail
Très bien. Et récemment ton actualité, tu as racheté Heuritech. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus sur ce rachat ?
Jonathan Siboni
Heuritech est une société qui est très connue dans notre univers puisque historiquement c'est une société de reconnaissance visuelle qui analyse entre 3 et 5 millions d'images par jour sur les réseaux sociaux et qui, de ces images, va aider à mieux calibrer les tendances actuelles et prévenir les tendances futures. Elle est très connue parce que c'est la première société qui a gagné le prix VivaTech LVMH. Et, c'est une société pour laquelle j'ai beaucoup de respect et d'admiration, et devenu le fondateur également.

Nous, on est des spécialistes du monitoring de l'offre. On regarde les marques, on regarde les prix, on a la chaîne de pricing qui est très développée. Donc, le fait de pouvoir monitorer la demande faisait énormément de sens. On est effectivement extrêmement ravis d'avoir pu procéder à ce rachat et à l'intégration maintenant du logiciel heuritech dans notre suite et de créer beaucoup de synergie entre l'analyse de la demande et l'offre.
Sabine - Luxurytail
Donc vous avez déjà travaillé sur des projets ensemble, concrets ?
Jonathan Siboni
Exactement, les équipes ont rejoint nos équipes, on est dans les mêmes bureaux et on commence à travailler sur des clients qu'on a déjà en commun, de voir comment le fait d'analyser la demande de manière prédictive et de se dire :
comment je vais calibrer au mieux mon merchandising pour minimiser les invendus, pour maximiser l'output et encore plus fort, quand je suis capable d'analyser ma concurrence et ce qu'elle met sur le marché.

Sabine - Luxurytail
Question : est-ce qu'on est plutôt sur de l'IA avec ce logiciel ou pas du tout ?
Jonathan Siboni
Tout à fait. Nos deux boîtes se sont toujours construites sur du machine learning et sur l'intelligence artificielle dès le premier jour. Pour nous, depuis 2011. Pour Heuritech, depuis 2017. Pour te dire, le fondateur a lui-même un PhD en machine learning. On est vraiment dans l'IA. Ça a été créé par trois PhD en machine learning. On a des grosses équipes en machine learning et on est des boîtes d'IA depuis toujours.

La différence avec l'IA telle qu'on en parle aujourd'hui et ça fait un peu l'actualité.
Micro aparté, l'IA n'a rien de nouveau. Le machine learning, ça date des années 80, l'intelligence artificielle aussi.
Ce qui aujourd'hui est plus récent, c'est ce qu'on appelle la generative IA. C'est le fait d'utiliser l'intelligence artificielle pour générer des éléments qui donnent l'impression d'avoir été fait par un humain. Que ce soit du texte, on parle avec une machine qui te parle comme un être humain ou une image qui aurait été fait par un autre. C'est ce côté un peu génératif qui est nouveau. C'est-à-dire que c'est comme une toute petite strate qu'on a mis sur un langage informatique qui fait qu'au lieu de parler avec un ordinateur en Python, je lui parle en français.
Donc c'est comme une petite interface. C'est ça qui est nouveau et qui fait que ça paraît très vulgarisé mais oui on est 100% sur de l'IA. À la différence des modèles d'IA dont on parle aujourd'hui au PNASA qui sont ce qu'on appelle des LLM, Large Language Modeling, ce qui fait que ça consomme la moitié de l'énergie du monde. Parce que quand tu poses une question, lui, il va chercher dans tous les livres du monde entier une question. Nous, on est dans des SLM, des Small Language Modeling, parce que moi, je ne vais mobiliser que l'industrie du Luxe. Donc quand tu vas travailler dans mes modèles, a priori, je sais que tu ne vas pas me demander depuis quelle année les ornithorynques ont commencé. Je vais calibrer des CEP de données qui font que je n'ai pas besoin d'utiliser des milliards de ressources.
Et c'est pour moi le futur de l'IA d'apprendre à calibrer et d'avoir des IA qui sont à clé.
Sabine - Luxurytail
Très bien, c'est hyper intéressant. J'ai une première question sur le client du Luxe aujourd'hui, le client du Luxe qui évolue avec tout ce qu'on entend. Comment tu décrirais ce client ? C'est un peu compliqué parce qu'on ne va pas parler de client international, ni local mais d'une manière générale, est-ce qu'on est sur vraiment quelqu'un qui est plus animé par la passion ? Qui est exigeant mais plus réfléchi ?

Jonathan Siboni
Tu sais que je vais prendre le plaisir de répondre sans répondre.
D'abord, je ne sais pas s'il y a un client du Luxe, très franchement.
D'abord, il y a énormément de clients de Luxe, mais au-delà de cette pirouette qui n'en est pas une, il y a une distinction générationnelle. C'est-à-dire que c'est le client loyal, historique, VVIP, qu'on ne peut pas mettre dans la même boucle que le Gen Z.
Et ensuite, il y a une diversité géographique. Avec le client chinois, ce n'est pas pareil que le client français, etc.
Si on essaye quand même de prendre un peu de hauteur sur ces différents clients-là, ils ont des points communs. Les points communs, pour moi, ont trait aux drivers, de pourquoi on achète du Luxe ? Ces drivers, pour moi, ils sont au nombre de trois. Trois grandes composantes qui caractérisent le Luxe et donc la relation que peut avoir avec ces consommateurs.
Le premier, ce sont des drivers, je vais dire, de l'ordre matériel ou rationnel. : La qualité du produit, le matériau, le prix, le savoir-faire, c'est rationnel, c'est matériel.
Le deuxième, c'est plutôt émotionnel : la marque, le désir, le rêve.
Et le troisième, ce n'est pas rationnel, ce n'est pas émotionnel, c'est relationnel, c'est le fait d'acheter pour du statut, du prestige, ce genre de choses.
Ces trois composantes sont extraordinairement complémentaires mais elles sont très différentes. D'un côté, tu as quelque chose qui est rationnel, qui est objectif et qui est matériel. De l'autre, tu as quelque chose qui est émotionnel, qui est subjectif et qui est immatériel. Et puis, de l'autre, tu as quelque chose qui est relationnel et qui est de l'ordre du statut, du prestige, etc.
Donc, chaque client, il y aura toujours un peu de composante des trois mais ça va être sur-pondéré en fonction de sa culture, de son âge, de ses envies, etc. Par exemple, les clients chinois on les a souvent caractérisés comme des gens, justement, qui étaient beaucoup plus sur ce côté très relationnel, statut, prestige qui sont beaucoup plus complexes.
Si on regarde le Luxe en photo Mai 2025, il y a quelque part un Luxe qui est un peu challenger, parce que le monde est challenger.
Il est challenger parce que le Luxe est porteur de valeur. On achète des produits pas uniquement pour des besoins fonctionnels, on n'achète pas un sac de telles marques pour porter des affaires.

Ce besoin est un besoin d'identification, de projection, de réassurance, de plaisir qui est plus que jamais nécessaire dans un monde qui est difficile et qui est incertain. Or, le contrat de confiance et l'équation de valeur du Luxe a été pas mal chamboulé par le COVID. Puisqu'au début, le Luxe a été surdemandé dans le cadre de consommateurs internationaux qui avaient moins de capacité de dépenses discrétionnaires. C'est-à-dire qu'un client lambda, avant, il prenait l'avion, il allait à l'hôtel, il partait avec ses enfants en vacances, il allait au restaurant trois fois par semaine, etc. Là, il était bloqué chez lui, il n'avait pas toutes ces dépenses. Ayant plus d'argent à disposition quand sa femme voulait lui faire un cadeau c'était beaucoup plus facile d'acheter du Luxe, il y avait beaucoup plus d'argent disponible. Il y a eu un petit moment comme ça, qui est une parenthèse, où le Luxe a pu vendre très facilement.
Sabine - Luxurytail
En "shopping, revenge".
Jonathan Siboni
En shopping, oui.
Moi, le mot "shopping revenge" m'a toujours un peu dérangé, parce que "revenge" de quoi ? Revenge du fait de ne pas pouvoir sortir, peut-être.
Sabine - Luxurytail
Où d'avoir été enfermé.
Jonathan Siboni
Oui, mais en fait ils étaient encore enfermés à ce moment-là.
C'est pour ça ils sont enfermés donc "shopping compensation", shopping ce que tu veux. Et peut-être qu'après, ils ont eu la revenge quand ils sont sortis.
Mais le shopping revenge, honnêtement moi, je n'ai jamais trop cru parce que quand tu es hyper énervé ou triste, tu as super vengeance d'aller acheter un sac. J'ai vu des films italiens un peu mieux fait que ça. Toujours est-il qu'en fait, oui, il y a eu le" shopping exacerbation"s à un moment donné parce que c'était un des seuls kifs disponibles, si je résume. Or après, on a réouvert le monde. On a repris l'avion, on est retourné au restaurant.
Forcément, les gens disent : je ne vais pas continuer à dépenser autant. Sauf qu'entre temps les marques ont augmenté les prix. Puisque comme des gens achetaient, achetaient, c'était facile, ils ont augmenté, ils ont augmenté, ils ont augmenté, et puis c'est devenu trop cher. Et donc là, il y a un moment où ce contrat de confiance ou de valeur s'est un tout petit peu cassé.

Il ne s'est pas complètement cassé, il s'est tendu. Donc, quelqu'un me dit : mais moi, à ce prix-là, je ne suis pas sûr de vouloir acheter ce sac. Et donc, il va falloir un petit temps où les prix restent, là où ils sont et où l'inflation augmente et où petit à petit, on recrée une relation où les prix redeviennent un petit peu acceptables ou créent de nouveaux produits qui vont recréer cette relation. Et là-dedans, il y a une tension palpable qui fait que le Luxe est un peu challengé, qu'en réalité, l'an dernier n'était pas extraordinaire. Mais au-delà de ce sujet-là qui va se régler par le pricing, nous on travail beaucoup sur le pricing, je pense que c'est clairement un des sujets et c'est aussi la porte de sortie.
Le deuxième point, c'est de dire aujourd'hui, quand tu réfléchis au Luxe et ce qu'il représente pour les consommateurs. Il y a aussi le fait que
le Luxe, c'est quand même un moment, on peut partager un bon moment, c'est un moment de vie. Il y a un côté très symbolique dans le luxe.
Je ne sais pas, par exemple, la joaillerie, c'est un produit qui est un symbole. Tu n'achètes pas des boucles d'oreilles pour que ça tienne ton oreille ou une bague pour tenir ta main.
Sabine - Luxurytail
Tout le luxe, c'est une notion de plaisir.
On n'a pas besoin de Luxe dans la vie.
Le Luxe, c'est que de notion de plaisir, de partage, d'être ensemble.
Jonathan Siboni
Donc ce plaisir-là, il faut que tu aies du plaisir. Si tu as quelqu'un qui est très angoissé, qui n'est pas bien, il n'y a pas grand plaisir, c'est tout. Ce n'est pas la peine d'aller chercher très loin.
On dit :
La Chine s'effondre. La Chine ne s'effondre pas. La Chine fait moins 20%, c'est vrai, sauf que les Chinois se remettent à voyager au Japon, achètent au Japon.
Si on remet tout côte à côte, la Chine reprend des comportements similaires à ce qu'il y avait avant le Covid. Mais en tout cas, ce plaisir, il est moins palpable parce qu'il y a plus d'anxiété. Et donc, il faut recréer des manières que le monde soit un peu moins anxieux, je le souhaite et que du coup le Luxe se réintègre un peu plus naturellement dans une vie qui est plus joyeuse. Et puis, il y a des gens qui disent : Non, ce n'est pas vrai quand on est stressé on se compense au luxe. Ok, mais ça, c'est court-termiste. Ça ne tient pas.
Il faut qu'à la fin, les gens aient envie de vivre du plaisir, envie de vivre des moments à plusieurs, de faire des cadeaux, de se faire des cadeaux, de bien s'habiller pour marcher dans la rue, de bien s'habiller pour voyager.
Il y a quand même quelque chose qui est de l'ordre de la projection. Si demain, ce sera mieux qu'aujourd'hui, alors je vais acheter un produit de Luxe parce que ma vie est de mieux en mieux. Si demain, ce sera moins bien qu'aujourd'hui et que j'ai peur, pourquoi je vais aller acheter un produit extraordinaire ? C'est basique, mais je serais moins tenté.
Sabine - Luxurytail
C'est un peu, malheureusement, ce qu'on vit en ce moment avec toutes ces annonces où on voit un petit peu les marchés boursiers qui s'effondrent. Est-ce que tu penses finalement que ça, ça va être quelque chose de provisoire ? On est sur "Make America, great again". Là, Trump est vraiment en train de faire ça.
Quels sont ces enjeux, finalement, à court ou moyen terme, pour nous ?
Jonathan Siboni
Tu me demandes de te dire ce que je pense, ce qui va se passer, les décisions de Trump dans trois mois, parce que là ton podcast a un rayonnement bien plus puissant que ce que j'imaginais.
Sabine - Luxurytail
Est-ce que tu peux sortir à ta boule de cristal ?
Jonathan Siboni
Je n'ai pas de boule de cristal, mais je vais te donner deux éléments de réflexion tu en feras ce que tu voudras.
Un, je suis quelqu'un qui refuse de me laisser dicter, que ce soit par la dictature du quotidien et du court terme. La dictature du court terme, c'est ce qu'on vit avec ça, avec les réseaux sociaux, c'est le fait que maintenant, l'attention span (la capacité d'attention), c'est une 1s,30 sur TikTok, d'un truc à droite, d'un truc à gauche. Quand moi j'étais enfant, le Monde ça sortait l'après-midi, il fallait attendre 16h00. Il y avait un journaliste qui lisait, qui réfléchissait, qui appelait, qui vérifiait, il sortait. Aujourd'hui, c'est toutes les sept secondes et on lit ça en trois secondes donc il n'y a plus d'analyse et tout est "à la volo". Il y a beaucoup de trucs qui sont très émotionnels. Cette dictature-là, moi, je la refuse. Donc, je peux avoir des avis mais ça c'est mon premier élément de réflexion.
Parce que le problème, c'est que quand tu es très émotionnel tu génères des réactions hyper émotionnelles et c'est ce que souhaitent certains dirigeants.
Ils disent : si c'est très émotionnel, tant mieux, je déstabilise et on verra plus tard.

Le deuxième, c'est prendre un peu de recul. Trump a pris un certain nombre de décisions qui, d'un point de vue rationnel sont difficiles à comprendre, parce qu'effectivement d'un point de vue analytique, on ne comprend pas. Alors chacun y va de son mot.
J'émets une hypothèse, on la prend ou pas. Je ne pense pas que tout le monde soit complètement fou et destructeur. Je pense que certains ont des agendas qui peuvent paraître complexes pour d'autres. Mais émettons une hypothèse qu'un de ces agendas principaux évidemment, c'est de réindustrialiser les États-Unis, de gagner des jobs, tout ça c'est clair, on comprend, il n'y a pas de souci. Mais entre autres, c'est de négocier le renouvellement de la dette américaine qui fait plusieurs trilliards et qu'il va devoir négocier avant l'été. Aujourd'hui, les taux sont très élevés. S'il renégocie d'abord à l'état actuel, s'il se retrouve en juillet à devoir renégocier la dette, les États-Unis font faillite immédiatement. Il est impossible de relancer, de refinancer sa dette. C'est impossible. Il n'y a aucun monde où ça se fait. D'abord, la dernière fois, quand elle a été négocié, elle était deux fois plus faible et les taux étaient deux fois plus faibles.
Donc aujourd'hui, dans une situation où dans trois mois les États-Unis font faillite, c'est mathématique. Quelle est sa possibilité ? Celle qui semble avoir été choisie, c'est de complètement secouer, aussi fort que possible l'économie mondiale et l'économie nationale, que la Bourse s'effondre, que tout le monde soit complètement perdu, que la Fed soit en panique, qu'elle baisse ses taux de manière considérable pour relancer l'économie tant bien que mal parce que tout va être déstabilisé et que ce chaos phénoménal et complètement irrationnel pendant quelques mois. Parce qu'au final, quand il va se retrouver à devoir renégocier, il va avoir des taux qui auront beaucoup baissé, il va renégocier son taux et il pourra dire aux États-Unis : regardez, je vous ai fait gagner 500 milliards de dollars. Et comme c'est un homme d'affaires, on va dire, c'est un bon homme d'affaires parce qu'il a fait gagner 500 milliards de dollars. Et peut-être qu'après, il va se calmer qu'il va remettre des taux en intermédiaire qu'il va aller négocier les uns avec les autres. Tout le monde va l'appeler : Il y a taux 34, c'est 3,4, excuse-moi. Et il va sortir gagnant en disant : Pas de problème, j'ai fait un deal.
Sauf que nous, on n'est pas habitué à avoir des négociations qui sont très extrêmes comme ça en mode business avec des pays, parce que tu ne peux pas jouer avec la vie des gens. Ça, c'est un autre débat. Mais aujourd'hui, à mon avis, on vit une période d'incertitude qui effectivement risque d'être assez temporaire, puisque pour moi c'est une des hypothèses je peux me tromper, qui est cet agenda-là. Et si c'est le cas, ça va durer deux, trois mois, ça va beaucoup chambouler, il va y avoir beaucoup de négociations, beaucoup d'ajustements et à long terme ça n'est pas tenable y compris pour les États-Unis. Ça n'est pas tenable. Donc, il y a aucun intérêt de mettre son pays en faillite. Je pense qu'on y verra plus clair vers l'été.
Sabine - Luxurytail
Merci beaucoup pour ces prédictions. Dans un article, tu évoquais par rapport au Chinois et à la Chine en particulier, la croissance de toutes les expositions, cet aspect culturel moins focus produits mais plus focus expérience. Comment est-ce que tu expliques cela, finalement ?
Jonathan Siboni
Quand on se demande pourquoi les gens achètent le Luxe,
pour moi, ce côté émotionnel, relationnel est quand même très important. Et le côté culturel l'est de plus en plus, surtout en Chine.
Parce que le Luxe véhicule aussi une composante culturelle. Quand on vend une marque française, on capitalise un peu sur la culture de notre pays, sur son héritage, sur son savoir-faire, qui ne pourrait être mieux porté que par Bénédicte Epinay, qui l'exprime divinement bien au sein du comité Colbert. Et donc tout ça, c'est de la culture.
Aujourd'hui, quand tu as des tensions, les gens se raccrochent à leur culture.
Donc effectivement pendant le COVID tous les Chinois à certains moments ont eu un peu un regain de ce qu'on appelle le guochoa, qui est cette espèce de culture nationale dans la mise en main, etc. Donc, il y a un rapport avec la culture. Et pour communiquer avec des clients qui reviennent, une culture très forte, les clients chinois c'est une culture millénaire extrêmement ancrée. Donc, tu dois trouver une résonance, un écho dans les cultures.
Soit, tu ne le fais pas, tu dis : Moi, je te vends ma culture culture, Take it or leave it. (A prendre ou à laisser )
Et là, en générale c'est Leave it.
Soit, je te vends ta culture et là, tu n'es pas bon parce qu'en fait ce n'est pas l'idée. Tu vas tout à coup mettre toutes tes portes en rouge et mettre des dragons partout. Ça n'a absolument aucun sens.
Soit, tu fais des expositions culturelles qui visent à montrer que ta culture elle est quand même intéressante et qu'il y a des ponts entre vos cultures. Et ça, c'est intéressant. Parce que là, tu fais l'effort de la marque qui dit : j'ai compris que tu ne vends pas des produits dont tu as besoin, puisqu'on a besoin d'eau, on a besoin de manger, on n'a pas besoin d'un sac à 5 000 €, d'une montre à 100 000 € ou d'une voiture à 500 000€, ça on n'a pas besoin.
Par contre, on peut le désirer. Le besoin est universel. Toutes les cultures ont les mêmes besoins, les désirs sont socio-culturels. Donc, pour essayer d'analyser le désir de ces consommateurs-là, je dois comprendre leur culture. C'est ce qui a très bien fait le Luxe depuis toujours. Richard Collasse, au Japon il y a 30, 35 ans, un des premiers du reste avec toute cette génération, compris qu'il fallait s'ancrer dans la culture japonaise, créer des ponts.
Les suivants l'ont fait. Il y a des expositions de Cartier à la Cité interdite. Ça a toujours été fait, ces ponts culturels. Et puis, ça a été un peu oublié. Ça a été très bien fait jusqu'aux années 2010, 2012, 2015. Et quand la Chine s'est modernisée, on a dit : c'est bon, la Chine, c'est une modernité occidentale. On y va, on va tous dans des malls, c'est génial, on va sur TikTok. Et en fait, non, ce n'est pas ça la Chine.

La Chine, c'est une culture profonde avec des jeunes consommateurs qui y sont très sensibles.
Loewe "Crafted World" - Shanghai Exhibition centre Mars-Mai 2025
Et donc le fait d'aller faire ces expositions, d'engager, de faire des choses comme Loewe qui a fait une exposition géniale à Shanghaï, que j'ai vu il y a quelques mois, qui était vraiment sympa, très moderne, très en lien avec l'identité de la marque mais aussi sur le jade. Alors, le jade ce n'est pas forcément logique pour Loewe qui est une marque de maroquinerie.
Sabine - Luxurytail
Mais ça a créé du lien pour eux.
Jonathan Siboni
Ça a créé du lien parce qu'ils sont allés filmer des gens au fin fond de la campagne chinoise qui travaillent sur le jade de manière complètement cinématographique et en disant : nous on travaille le cuir, vous vous travaillez le jade, on trouve ça génial. Et ça, c'est intéressant. Et le fait que ça plaise.

Et les marques qui réussissent en Chine sont des marques qui ont une composante culturelle, c'est Loewe, c'est Prada, c'est Miu Miu, c'est des marques qui à un moment donné viennent essayer d'exprimer une culture. Je pense que ce n'était pas un hasard.
Sabine - Luxurytail
Dans toutes les marques que tu m'as citées, on est plutôt sur, hormis Céline, du Quiet Luxury avec un peu un développement de Loewe qui passe du quiet pour moi à de l'ostentatoire. Finalement, de par ces marques, on se rend compte d'un phénomène qui a été propulsé par TikTok avec les dupes. Je sais que c'est un sujet qui t'intéresse. Est-ce que tu peux nous parler des dupes ?
Jonathan Siboni
Je pense qu'effectivement, il y a une polarisation. De toute façon, TikTok et toutes ces applications merveilleuses auxquelles je n'ai pas accès, polarisent les gens. Ça, c'est un point assez basique, c'est-à-dire qu'effectivement, pour reprendre l'exemple de quand j'étais jeune, quand j'étais jeune avec mes parents, on regardait le débat de l'entre-deux-tours et tout le monde voyait la même réalité. On pouvait avoir des perceptions différentes, mais la réalité était la même pour tout le monde. On débat tout. Aujourd'hui, ça c'est fini. Aujourd'hui, quand tu regardes la télé, c'est ta télé à toi, ton TikTok qui si tu penches d'un côté, on t'envoie de plus en plus de ton côté et si l'autre, c'est l'autre.
Les gens parlent mais ne voient plus le monde.
Ils se battent parce qu'ils disent : "non mais tu n'as pas vu, tu ne peux pas dire ça". Il y a une polaristaion très forte de la pensée des gens et des idées. Cette polarisation, elle se ressent dans tout. Dans le Luxe, ce que ça veut dire, c'est qu'il y a des gens qui d'un coup disent : moi, le Luxe trop ostentatoire ne me plaît pas donc je vais vers le Quiet Luxury qui est un Luxe intemporel, qui est un Luxe basique intemporel.
Et de l'autre, des gens qui disent : Moi, je veux un luxe hyper temporel. Je veux le truc qui est à la mode, de la mode, de la mode, de la mode, de la mode, de la mode, maintenant.
Qui est un Loewe ou qui est un Miu Miu. Qui, effectivement, tu as parlé du paradoxe de Loewe mais en tout cas ce sont des marques qui sont dans le temps présent, des marques à la mode. Et si tu es une marque plutôt fashion mais pas à la mode, genre Burberry, tu souffres. Puisqu'on attend de toi que tu sois hyper à la mode mais tu ne l'es pas donc là vraiment tu te fais balancer.
Soit tu es intemporel, tu es Hermès, tu es Brunello Cucinelli pas de problème,
Soit tu es dans le temps mais tu es vraiment en avance dans ton temps.
Et ça, c'est compliqué mais les deux sont possibles. C'est juste, ce n'est pas les mêmes consommateurs à l'instant T. Pour ces marques intemporelles qui sont le quiet Luxury, etc. Effectivement, elles font des produits qui sont intemporels qui sont très beaux, de qualité indéniable mais avec le prix qui va avec.
Et dans cette logique pour le coup je vais reprendre le thème de vengeance mais là je pense qu'on en a vraiment une.
Tu as des clients qui à un moment donné estimant que ce contrat de confiance a été malmené se sont mis en mode revenge.

Ok, tu veux me vendre un pull 5 000 €, c'est un peu cher je ne suis pas très content, tu te moques de moi. Donc, je vais acheter le même pull à 500 €. Il a l'air pareil, il a l'air de bonne qualité, c'estquasiment le même, c'est un prix de copie. Il vaut 500 €, c'est des dupes. Tu as ça dans la mode, tu as ça dans le parfum. Le parfum a des prix aussi qui ont explosé. Il y a une inflation dans les prix de parfums qui est phénoménale. Et où au final, surtout en particulier en Chine, parce qu'en Chine, les gens n'achètent pas des parfums classiques, ils achètent beaucoup de parfums de niche. Il n'y a pas de parfum en réalité en Chine.
Quand tu prends les trois axes qui sont parfums, make-up et skin care, nous en France on achète beaucoup de parfums, pas mal de make-up, un peu de skin care. En Asie, c'est exactement l'inverse. Énormément de skin care, un peu de make-up, quasiment pas de parfum.
Il n'y a pas de parfum. Le parfum est arrivé assez récemment dans une logique identitaire de dire : Je vais t'expliquer mon identité. Ils sont plutôt allés vers des parfums de niche, Maison Francis Kurkdjian, ce genre de choses vraiment niche, niche, niche, ou un peu moins niche. Ces parfums-là, vont être assez chers pour beaucoup d'entre eux.
Et les dupes, c'est de dire :
J'en fais un qui sent presque pareil mais il vaut un 10% du prix. Et ça marche à court terme parce qu'effectivement tu te dis : Ça sent presque pareil, on ne voit pas la différence, c'est quand même beaucoup moins cher, etc.
Mais pour moi, la raison qui explique que ça marche, c'est ce côté de vengeance. Il y a une idée que le Luxe a un peu trop tiré sur la corde, que ce n'est pas sérieux, que ce n'est pas sympa. Et donc les gens sont en train de se venger d'estimer avoir été pris pour des animaux, sympathiques du reste. Mais c'est une vengeance.

À moyen terme, ma prédiction, en tout cas mon hypothèse, je vais faire un parallèle du reste. Il y a 20 ans, 2004-2005, il y avait à Shanghaï, à Pékin, des marchés du faux, le silk market. Et les gens allaient au marché du faux pour voir. C'était intrigant. Et tu voyais des sacs Vuitton à un prix complètement dérisoire, la qualité était nullissime. Ils existaient.
Et il y avait des vrais-faux.
C'était quoi les vrais-faux ? C'était des sacs qui vraiment étaient quasiment impossibles à distinguer d'un vrai, très bien fait, mais qui valait cher. Admettons que le vrai sac valait 2 000 €, le nul valait 20 €, celui-là il valait quand même 800 € ou 500 €, c'est un faux. Et donc les gens achetaient des vrais-faux. En réalité, avec le temps ça a un peu disparu ce truc-là parce que les dupes aujourd'hui ce n'est pas du tout pas cher. Le dupes d'un pull Cucinelli , ça vaut 500 €. Donc oui, tu l'as acheté une fois en mode : Tu crois que c'est Cucinelli. Mais à long terme est-ce que tu vas aller 10 fois acheter des produits qui valent 500 ou 1 000 € ? 500 ou 1 000 € que tu mets dans ton placard.
Honnêtement, tu n'as aucun attachement parce que tu sais que ce produit n'a aucune marque. La qualité à terme on verra.
Tu ne vas pas le donner à tes enfants, tu vas pas être fiers de donner un dupes, tu ne vas pas le revendre.
Il n'a aucune valeur ce truc. Donc en fait, oui, tu achètes un pull Uniqlo, Zara, 50 €, je comprends. Oui, tu achètes un pull de Luxe qui est très cher. Mais l'entre-deux, de payer 10 fois plus cher que Uniqlo. Moi, je n'y crois pas. Je crois qu'il y a un côté vengeance à court terme. Je crois que ça challenge certaines industries dans la relation entre la marque et le consommateur, c'est vrai. Mais je pense que dans le fond, ces dupes là et en plus, parce que le dupes surf sur la propriété intellectuelle. C'est toute la base. Ils copient vraiment des produits. Et pour une raison qui m'échappe, pour l'instant, ils s'en échappent. Ils arrivent à duper le système. Ça ne durera pas. À un moment donné si tu veux quand tu as des faux, c'est des faux.
Sabine - Luxurytail
Mais ce que je trouve intéressant avec ces dupes, c'est que comme tu disais, on est vraiment sur le e-product du moment. Je le veux à l'instant T mais ils sont fiers de le dire. Il y a aussi avant la contrefaçon, on n'osait pas le dire. Tandis que là, les gens sont fiers d'afficher leur vrai-faux, leur dupe.

Jonathan Siboni
Bien sûr, les marques elles-mêmes. Les dupes eux-mêmes, ils disent dupe-it.
Ils jouent avec ça mais ils jouent avec ça parce qu'il y a un côté un peu rebelle.
Mais est-ce que ça va durer longtemps d'abord d'un point de vue juridique ? C'est discutable. Deux, même d'un point de vue honnêtement patrimonial au produit, tu me demandes mon avis, je n'y crois pas. C'est-à-dire que franchement, il y a une composante créative dans les marques qui nous entourent. Si on peut prendre n'importe quoi fait par n'importe qui et le vendre dix fois moins cher en disant : Trop marrant, tu as gagné de l'argent, c'est un peu rigolo. D'abord, ce n'est pas très respectueux. Et deux, les marques qui portent ça quand tu vois leur site internet, tu ne te dis pas qu'elles seront là dans deux ans.
Sabine - Luxurytail
Il y a aussi ce côté, comme tu disais, de revente ou d'économie circulaire où les maisons de Luxe sont de plus en plus dedans comme Chanel, Rolex, par exemple. Aujourd'hui, on a une catégorie de la clientèle du Luxe qui achète pour revendre. Ce n'est pas de la location, c'est qu'elles savent que d'emblée elles vont acheter quelque chose pour le revendre, pour s'en acheter un autre.

Jonathan Siboni
Mais même pour l'offrir,
si t'achètes un très beau produit Hermès, tu ne vas jamais le jeter, il va rester chez toi, tu vas l'offrir à tes enfants.
Peut-être que tu vas le revendre. Mais tu achètes un produit moitié prix de je ne sais pas quelle marque, tu n'en feras rien. Tu vas pas le donner à tes enfants, tu en auras un peu honte.
Donc, enfaite au final, franchement, fais ton calcul. Si j'étais financier, je dirais : Fais ton DCF sur 10 ans, tu vas voir qu'il n'est pas très rentable ton deal. Mais à court terme, tu t'es amusé comme quelqu'un qui a acheté un faux et qui s'est amusé pendant quelques mois à avoir un faux au milieu de ses vrais et qui a dit : Tu sais que c'est un faux ?
Ok, elle a fait rigoler ses copines, ce n'est pas très bien, c'est un peu dangereux, ça ne se fait pas trop. Et la fois d'après, elle achète un vrai. Parce qu'au final, elle n'a pas envie d'envoyer une fausse image d'elle aux gens. Et heureusement que les gens pensent comme ça.
Donc moi, je ne suis pas hyper inquiet. Par contre, je suis plus inquiet sur la Gen Z et les consommateurs très jeunes qui, pour eux, contournent ces codes autour de l'idée même de dire : Je veux m'amuser, il y a des codes. Et comment on utilise tout ça ? Et je ramènerai tout ça autour du sujet de la propriété intellectuelle.
Pourquoi ? La propriété intellectuelle, c'est le fondement même de la société occidentale. Aujourd'hui, quand tu as une maison, tu en as la propriété, tu es chez toi, les gens ne peuvent pas rentrer chez toi. Mais c'est quelque chose que la société a inventé. On a décidé qu'on divisait le monde, etc. Et puis qu'il y avait un pays, puis qu'il y avait quelqu'un... C'est des inventions sociales. Tu estimes bien que ce bâtiment-là, il n'a pas été inventé. Ça, ce sont des codes. Les marques, c'est pareil. On estime que quand tu as un nom, tu peux le déposer et il t'appartient. C'est un code culturel.

En Chine, ce n'est pas du tout fait comme ça. Quand moi j'ai commencé à bosser en Chine, 90% des sociétés n'avaient même pas déposé le nom de leur propre société. Pour eux, ce n'était pas vraiment le sujet. Donc ça, c'est quelque chose de culturel. Les peintures de la Chine antique, des peintures magnifiques, elles ne sont pas signées. Parce que celui qui l'avait fait, il estimait que ce n'était pas lui, il l'avait fait. La question de la propriété intellectuelle, elle est complexe mais surtout aujourd'hui elle est challengée par ChatGPT et OpenAI et tout ça. Parce que quand tu prends une image, tu prends une photo, une photo de toi, tu la mets dans OpenAI, elle sort, elle t'a fait un petit sourire, elle n'a plus de propriété intellectuelle. Elle appartient à tout le monde ou à personne. Je peux la prendre, je peux en faire une pub, je peux la mettre partout mais en tout cas elle n'appartient plus à personne. Et donc, le fait qu'on utilise des moteurs d'intelligence artificielle pour mélanger des milliards d'infos qui tuent la propriété intellectuelle est un énorme sujet pour le futur.
Et cette question du dupes en fait partie. Pour moi, elle s'y raccroche. C'est-à-dire que les jeunes, pour eux, la propriété intellectuelle, c'est une question mark puisqu'ils s'amusent toute la journée à générer des choses où la chaîne de la propriété est cassée. Et ça, c'est un peu inquiétant pour le monde, ça amène des questions pour le Luxe mais qui à mon avis est quand même dans le haut du panier et ce sont ceux qui s'en sortiront le mieux.
Sabine - Luxurytail
Dernière question, parce que ça va très vite. Si tu devais résumer un petit peu ce Luxe d'aujourd'hui, ce Luxe actuel et que tu devrais en parler, tu devrais faire une petite prédiction en 2030, qu'est-ce que tu pourrais nous dire ?
Jonathan Siboni
Le résumé, je pense que le Luxe, les marques de Luxe, je ne sais pas ce que c'est que le Luxe, mais
les marques de Luxe, à mon avis, aujourd'hui ont besoin de se poser la question des valeurs, au pluriel et de la Valeur.
Les valeurs elles se posent assez bien cette question en général, elles ont un ADN qui est assez bien défini mais parfois, il va falloir un tout petit peu le réinterpréter à la lumière du monde qui nous entoure. Mais ça, je leur fais confiance, elles l'ont toujours fait mieux que qui compte. La question de La valeur, elle est importante.
Aujourd'hui, si on ne repasse pas par une case qui est de redéfinir le prix.
J'insiste sur ça parce que le prix ça a toujours été vulgaire dans le Luxe. On ne parlait jamais de prix.
Non, non, non. Le prix, ce n'est rien. Parce que tu imagines la valeur émotionnelle, je l'offre à mes enfants. Oui, mais avant de l'offrir à tes enfants, tu l'as acheté.
Et donc, si à un moment donné, tu ne peux plus l'acheter, parce qu'un produit qui passe de 5 à 10 000 €, t'enlèves les classes moyennes.
5 000 €, c'est déjà très cher, mais tu peux avoir toute la famille, les cousins qui se cotisent pour les 18 ans. Et puis c'est quelque chose de génial que tu vas avoir et quand tu auras 80 ans, tu t'en rappelleras pas. 10 000 €, tu l'oublies.

Donc la question de la valeur, de piloter la valeur dans le temps, le prix, les différences de prix entre les marchés, reconstruire ma gamme avec des produits d'entrée de gamme, des produits de milieu de gamme, quand ça marche bien j'augmente un peu le prix puis quand ça ne marche pas je baisse, etc.
C'est-à-dire qu'une approche beaucoup plus business et data driven, pour moi, c'est ce qui distingue aujourd'hui les marques qui sont en souffrance parce qu'elles essaient de réutiliser les mêmes dynamiques que toujours et celles qui performent mieux, qui sont beaucoup plus agiles sur un monde qui change plus vite.
Ça, je pense que c'est vraiment un vecteur de différenciation assez fort.
Et de la même manière pour la construction de tes produits. Parce qu'aujourd'hui, c'est difficile de savoir quels produits vont plaire. Si tu ne rentres pas dans une dynamique analytique, je ne parle pas de demander aux gens : Est-ce qu'ils aiment le bleu ? Est-ce qu'ils le vert ? Est-ce qu'ils aiment le jaune ? Ce n'est pas ça le Luxe. Par contre, si tu es dans une dynamique analytique de dire : Je veux voir ce qui plaît ou ce qui ne plaît pas, ce que font mes concurrents, je vais créer des systèmes qui me permettent de voir un petit peu, ça, ça va me permettre en réalité de mieux comprendre le monde qui m'entoure, comme Lagerfeld qui allait à l'opéra ou qui lisait un livre. Pareil. Et ça va me permettre, en réalité, de prendre plus de risques. Pas moins. Les gens croient que la data te fait prendre moins de risques. Ce n'est pas vrai. Je vais prendre plus de risques, je peux le mesurer. Si tu me mets un frein, je peux rouler beaucoup plus vite parce que je peux freiner. En fait, le frein, ça ne sert pas à freiner, ça sert à aller plus vite.
Aujourd'hui, la data sert à prendre plus de risques mesurés et aller chercher la croissance et la performance là où on peut la trouver.
Si tu n'as pas ça, tu navigues à vue et donc forcément, tu es un peu perdu. Donc moi, je dirais qu'il y a une question, effectivement de valeur au pluriel, de valeur et de GPS, dans un monde qui est un peu perdu il faut se recréer un GPS et c'est ce que nous on s'amuse à faire un peu tous les jours.
Sabine - Luxurytail
Merci Jonathan. C'est quoi ton mantra qui fait que tu te lèves tous les matins ?
Jonathan Siboni
Il y en a plein, mais il y en a un qui me plaît beaucoup, qui est un proverbe chinois qui dit que
le plus long des voyages commence par un simple pas.
Je pense que c'est très vrai parce qu'enfaite, moi je ne regarde jamais derrière moi. Je ne me dis pas : Tiens, on a fait ça, c'est génial. Ou : Ça, ce n'est vraiment pas cool ce que tu as fait. Ce qui est fait, c'est fait. Basta. Tu as une bonne mémoire, ça c'est bien, mais c'est fait. Par contre, on est qu'au début de l'aventure, il faut toujours aller plus loin, il faut avancer. Oui, ça va être long, oui on ne sait pas mais ce n'est pas grave. Si tu ne fais pas ce pas, tu iras nulle part. Donc, fais ton pas, on verra jusqu'où ira le voyage. Mais oui, tous les matins, je me dis : Tiens, nouveau voyage, on est parti et je fais un tour.
Sabine - Luxurytail
Merci beaucoup, Jonathan.
Jonathan Siboni
Merci à toi.
Sabine - Luxurytail
C'était très instructif.
Jonathan Siboni
Bonne journée.
Sabine - Luxurytail
Bonne journée.
Filmé le Mercredi 9 avril 2025
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