Dupes, contrefaçons… la réalité derrière nos pièces de Luxe préférées
- Pauline Theard
- 23 avr.
- 5 min de lecture
Depuis quelque temps, une question se pose :
Pourquoi y a-t-il de plus en plus de dupes de pièces de Luxe ?
Est-ce que le Luxe doit craindre les dupes ?
Est-ce une simple tendance éphémère ?
Nous allons essayer de répondre à ces interrogations à travers cet article.
Dans un premier temps, posons les bases.
Qu'est-ce qu'un dupe ? Qu'est-ce qu'une contrefaçon ?

On en parle souvent sans vraiment faire la distinction, et pourtant, il est essentiel de ne pas les confondre.
Définition du Larousse :
Le Larousse définit un dupe comme une "Personne trompée, ou facile à tromper" tandis qu'il définit la contrefaçon comme "l'Usurpation du droit de propriété littéraire, artistique, commerciale ou industrielle d'un autre."
Mais, allons un petit peu plus dans les détails.
Le dupe est un produit qui s’inspire très fortement d’un best-seller du Luxe, mais sans utiliser le logo. Il ressemble comme deux gouttes d'eau aux sacs, parfums, vêtements des Maisons sans en avoir la valeur. Pour autant, cela n'enlève en rien leur popularité croissante au sein de la Gen Z et sur les réseaux sociaux.

En Chine, on parle de "pingti", des copies haut de gamme produites avec des matériaux proches des originaux, vendues plus chers que les contrefaçons, dans des circuits souvent légaux.
Certains dupes ont enflammé les plateformes pour leur ressemblance frappante et leur prix plus que compétitif. En y réfléchissant, qui va savoir si c'est du Luxe ou non ? Tout y ressemble, en dehors du prix. C'est jackpot pour les clients du Luxe qui en ont marre de l'augmentation des prix et de la baisse de la qualité.
Deux exemples forts :
Le sac Wirkin chez Walmart, qui reprend le design iconique du Birkin de Hermès mais vendu 78 $ au lieu de 10 000 €.

Ou encore Les slingbacks de Jonak qui évoquaient celles de Chanel. (La justice française a condamné la marque de chaussures, Jonak, à une amende de 180 000 euros pour ses actes de parasitisme sur le célèbre modèle de Chanel «Slingbacks».)

Désormais, on retrouve des dupes un petit peu partout.
Chez Zara, Mango, Shein, Temu, Action, Walmart....
Mais cette tendance n'est pas récente. Cela fait déjà de nombreuses décennies que nous pouvons nous procurer du Luxe version Low-cost.
Ce qui a changé depuis quelque temps, la "honte" d'acheter du faux s'est transformée en fierté.
Un sorte de ras-le-bol général de devoir payer un #smic pour un simple sac.
Sur les réseaux, c'est presque devenu un jeu : à celui qui trouvera la meilleure copie s'inspirant de l'offre de grandes Maisons.
Les dupes ne se cachent plus.
Sur TikTok, le hashtag #dupe cumule plus de 6 milliards de vues. Le Monde
On ne parle pas ici de qualité, de service après-vente, ni même de sécurité produit.
Ce qui prime : le look, l’usage immédiat, le style. L’expérience devient purement visuelle et virale.

Les utilisateurs partagent régulièrement leurs trouvailles, comparant les dupes aux produits de Luxe originaux, ce qui alimente la popularité de cette tendance.
30 % de la Gen Z utilisent les réseaux sociaux comme source principale d’inspiration pour leurs achats. Conférence journal du Luxe
Les jeunes consommateurs et consommatrices (surtout la Gen Z) y voient une alternative accessible, et même une forme de critique du Luxe devenu trop cher.
En France, 49 % de la génération Z déclarent avoir déjà acheté un dupe en toute conscience. Conférence journal du Luxe
35 % des consommateurs les plus aisés affirment avoir préféré un dupe à l’original.
Conférence journal du Luxe
Il ne s’agit pas toujours d’un choix par défaut ou par manque de moyens. Le dupe devient souvent un acte d’achat raisonné, une forme de "smart buying" : l’acheteur ne renonce pas au style, il réagit aux excès perçus du Luxe, aux hausses de prix ou à une valeur perçue déséquilibrée.
Cette nouveauté oblige les Maisons à se réinventer, à proposer à leurs clients des nouveautés. Elles ne peuvent plus seulement se baser sur une offre avec des pièces iconiques facilement copiables, elles doivent attirer autrement : par le savoir-faire, par l'exclusivité, par l'expérience. Elles doivent donner envie de venir acheter chez elles, et seulement chez elles.
On ne peut pas forcément quantifier le nombre de dupes créés chaque année, mais en termes de comparaison avec la contrefaçon, en 2024 les services douaniers français ont saisi 21,5 millions d’objets contrefaits pour un montant estimé à 645 millions d’euros. Le figaro
La contrefaçon correspond à la reproduction, l’imitation ou l’usage non autorisé d’un produit, d’un logo, d’un nom de marque, d’un brevet ou d’un modèle protégé par des droits de propriété intellectuelle, dans le but de tromper le consommateur et d’en tirer un profit économique.

Dans le secteur du Luxe, cela se traduit par la fabrication illégale de sacs, montres, vêtements, parfums ou accessoires arborant les signes distinctifs d’une Maison, sans autorisation et souvent sans respecter les normes de qualité ou de sécurité.
La contrefaçon dans le secteur du Luxe ne date pas d’hier.
Déjà à l'époque de l'Antiquité, on trouve des traces : des poteries grecques de style "signé" étaient copiées pour répondre à une demande accrue des élites locales. Mais le phénomène s’est intensifié à la fin du XIXe siècle avec la montée des grandes Maisons comme Louis Vuitton ou Cartier, lorsque leurs créations sont devenues synonymes de statut social.

Avec la mondialisation, le développement d’Internet et l’explosion du commerce en ligne, la contrefaçon est aujourd’hui industrialisée et massivement distribuée.
La prolifération de la contrefaçon nuit gravement à l’image, à l’exclusivité et à la désirabilité des Maisons de Luxe. Au-delà de l’atteinte à leur identité, ces copies illégales peuvent également représenter un danger sanitaire, car elles échappent aux normes strictes de qualité et de sécurité mises en place par les Maisons.
Ainsi, de nombreuses Maisons de Luxe intentent des actions en justice pour lutter contre la contrefaçon. LVMH, notamment consacre chaque année 10 millions d'euros avec une équipe dédiée à ce sujet.
Le retail, la solution face aux dupes ?
La contrefaçon relève du juridique. Elle se combat par la loi, par la douane, par la traçabilité.
Mais le dupe, lui, échappe à ces filets. Il joue sur les codes, imite sans copier, détourne sans enfreindre. Il séduit sans mentir. Et c’est justement là que réside sa force… mais aussi sa faiblesse.
Face à cette nouvelle donne, la réponse n’est pas judiciaire, elle est expérientielle.
Il faut replacer l’expérience au cœur de l’acte d’achat : une expérience immersive, émotionnelle, parfois surprenante, toujours ancrée dans un univers holistique, mêlant culture, art et sensations.
Le point de vente physique devient alors un contre-pied stratégique au tout-digital : un lieu de réenchantement, de transmission, de mise en scène. Un lieu où l’on ne vient pas simplement acheter, mais ressentir, comprendre, s’approprier.

Et au centre de ce dispositif : l’humain.
Car le conseiller de vente, l’ambassadeur de marque, est aujourd’hui plus que jamais le seul capable de déconstruire les mirages proposés par les influenceurs. Par son expertise, son savoir-faire, sa créativité et sa capacité à personnaliser, par la garantie de qualité et de sécurité qu’il incarne, et surtout, par cette dimension relationnelle et émotionnelle qui ne se filme pas, ne se streame pas, et ne se scroll pas.
Lundi 14 avril 2025
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